Résidus de médicaments dans l’eau : l’Anses publie aujourd’hui une méthode générale d’évaluation des risques sanitaires
La présence de résidus de médicaments dans les eaux mobilise depuis plusieurs années les autorités sanitaires et la communauté scientifique. L’Agence travaille sur cette thématique depuis 2006 et a construit une démarche globale qui s’inscrit désormais dans le plan national sur les résidus de médicaments dans les eaux (PNRM), lancé en 2011 : hiérarchisation des médicaments humains et vétérinaires les plus pertinents à rechercher ; développement de méthodes d’analyse de ces substances dans l’eau à l’état de traces ; réalisation d’une campagne nationale de prélèvements et d’analyses intégrant la recherche de plus de 40 composés (résultats publiés par l’agence en 2011) ; mise au point d’une méthodologie d’évaluation de risque. Résultat de ce travail, l’Agence publie aujourd’hui une méthode générale d’évaluation des risques sanitaires liés à ces molécules dans les eaux destinées à la consommation humaine et son application à deux résidus de médicaments retrouvés à l’état de traces.
La présence de substances émergentes dans l'environnement à l'état de traces et notamment celle de résidus de médicaments dans les eaux interroge depuis quelques années l'opinion publique, la communauté scientifique et les autorités sanitaires. De multiples études ont, en effet, montré la présence de molécules à usage thérapeutique ou diagnostic dans des eaux de surface ou des eaux souterraines à des concentrations variant du nanogramme par litre au microgramme par litre. Certaines de ces ressources servent pour la production d’eau destinée à la consommation humaine et des résidus de médicaments ont parfois été identifiés dans des eaux distribuées en France. La question des éventuels risques pour la santé de l’usager liés à la présence de ces substances aux teneurs mesurées est ainsi posée.
Dans ce contexte et bien qu'aucune étude n'ait démontré, à ce jour, de risque sanitaire lié à la présence de résidus de médicaments dans l'eau destinée à la consommation humaine, l’Agence travaille sur cette thématique depuis 2006, notamment à la demande du ministère chargé de la santé. Ces travaux s’intègrent dans le plan national sur les résidus de médicaments dans les eaux (PNRM) lancé en 2011, suite aux Plans nationaux santé environnement (PNSE 1 et PNSE 2).
Une démarche globale pour apporter des réponses
En 2008, l’Agence a mis au point une stratégie de hiérarchisation afin de déterminer les médicaments humains et vétérinaires les plus pertinents à rechercher dans les eaux destinées à la consommation humaine.
Sur cette base, elle a développé des méthodes d'analyse de ces substances. En 2011, le Laboratoire Anses d'hydrologie de Nancy a publié les résultats d’une campagne nationale spécifique portant sur la recherche des résidus de médicaments humains et vétérinaires dans les ressources utilisées pour la production d'eaux d'alimentation et dans les eaux traitées.
Dans l’attente des résultats de cette campagne, l’Anses et l’Agence nationale de la sécurité des médicaments (ANSM) ont été saisies conjointement afin d’évaluer les risques sanitaires liés à la présence de résidus de médicaments dans l’eau destinée à la consommation humaine. Il s’agissait de définir une méthode pour l’évaluation des risques liés à la présence de résidus de médicaments dans l’eau destinée à la consommation humaine et d’en tester l’application sur la carbamazépine, molécule utilisée en médecine humaine ayant une probabilité forte d’être retrouvée au regard de la bibliographie, et sur une molécule utilisée en médecine vétérinaire, détectées au cours de la campagne d’analyse.
En juin 2010, l’Agence a publié un premier volet de ce travail dédié à l’évaluation de l’exposition aux résidus de médicaments via l’eau destinée à la consommation humaine. Les résultats finaux de cette évaluation sont publiés aujourd’hui à travers un avis et un rapport.
Une méthode générale d’évaluation des risques
Sur la base de ses travaux antérieurs, l’expertise publiée aujourd’hui par l’Agence propose une méthode générale d’évaluation des risques sanitaires liés à la présence de résidus de médicaments dans les eaux destinées à la consommation humaine. Cette méthode se compose de huit parties portant respectivement sur les caractéristiques de la molécule, l’identification des métabolites et produits de transformation des médicaments pertinents pour l’évaluation des risques, l’évaluation de l’exposition de l’Homme via l’eau destinée à la consommation humaine, la détermination des effets biologiques des substances évaluées, la détermination des valeurs toxicologiques de référence, l’élaboration d’une valeur guide et, enfin, l’évaluation des risques.
Dans le cadre de ce travail, l’Agence a appliqué cette méthode à deux médicaments et à deux de leurs métabolites. La carbamazépine -une substance utilisée en médecine humaine pour ses propriétés antiépileptiques, neurotropes et psychotropes- et son métabolite la 10,11-époxycarbamazépine, ainsi que la danofloxacine -un antibiotique de la famille des fluoroquinolones, utilisé en médecine vétérinaire exclusivement- et son métabolite, la déméthyldanofloxacine.
Conclusions et recommandations de l’Agence
Les experts concluent à un risque négligeable pour la santé suite à l’ingestion de ces molécules via les eaux destinées à la consommation humaine, avec des marges de sécurité suffisantes quelles que soient les méthodes d’évaluation utilisées et au regard des données analytiques et toxicologiques disponibles.
Cependant, l’application de la méthode proposée par l’Anses à ces substances fait ressortir un certain nombre de limites. En termes d’exposition, peu de données robustes sont disponibles quant à la contamination des eaux destinées à la consommation humaine en France par les résidus de médicaments et surtout par leurs métabolites et produits de transformation. L’étude réalisée par le laboratoire d’hydrologie de Nancy, utilisée pour caractériser l’exposition française à la carbamazépine et à la danofloxacine, bien que de qualité, ne donne qu’une image instantanée de la contamination des eaux destinées à la consommation humaine en France, sans intégrer les variations spatiales et temporelles.
Par ailleurs, l’évaluation de la toxicité chronique des principes actifs se heurte à un manque de données, principalement pour les médicaments à usage humain, parce qu’elles sont, soit inexistantes, soit inaccessibles.
L’ensemble de ces limites rend l’évaluation quantitative du risque difficile. Ainsi, l’Agence souligne la nécessité de disposer d’études de toxicité chronique pour les résidus de médicaments mais aussi pour leurs métabolites et produits de transformation pertinents.
Au-delà, la question de l’évaluation des risques de tels résidus s’inscrit également dans la problématique générale de la prise en compte des effets éventuels des mélanges de substances à faible dose.
L’Agence va à présent poursuivre son travail d’évaluation avec les autres substances recherchées dans le cadre de la campagne d’analyse réalisée par le laboratoire de Nancy.