Le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles et environnementales, interview d'Eva Ougier

Comment sont exploitées les données du réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles ?

Le RNV3PE dispose d’un système d’information commun à tous les partenaires du réseau, qui rassemble les données des 28 centres de consultations de pathologies professionnelles (CCPP) de France. Plus de 500 000 consultations y sont recensées depuis 2001. Ces données précieuses font l’objet de travaux scientifiques menés par les collectifs d’experts de l’Anses, au service de la prévention. Parmi eux, le groupe de travail « Émergence », composé majoritairement de médecins du travail, réalise une veille bibliographique, discute de cas cliniques remontés par les CCPP et évalue le niveau des actions à mener en cas de signal identifié.

Le groupe s’est penché en 2023 sur le risque sanitaire associé à l’exposition aux graines de psyllium, pourquoi ? 

En 2023, nous avons communiqué sur les risques associés à la poudre de graines de psyllium. Si ses effets sensibilisants sont bien connus dans l’industrie pharmaceutique ou dans les métiers du soin, elle est aussi de plus en plus utilisée dans l’industrie agro- alimentaire pour remplacer le gluten ou les oeufs dans les produits respectivement sans gluten et vegan.

Un cas de rhinite professionnelle due au psyllium a été identifié dans la base du RNV3P chez un agent de production d’une entreprise agroalimentaire, ce qui devrait conduire à une vigilance particulière pour ces professionnels nouvellement exposés, dont les boulangers. Nous identifions ici une nouvelle « triade », c’est-à-dire un couple maladie-exposition déjà connu, mais qui constitue un risque émergent dans un nouveau secteur d’activité.

Ce risque professionnel émergent a fait l’objet d’un article dans notre bulletin des vigilances Vigil’Anses et de communications dans des revues scientifiques et des congrès. Le but est de toucher et sensibiliser le plus grand nombre possible de médecins du travail, qui sont en première ligne pour détecter des situations professionnelles à risque. 

Le réseau élargit son champ aux expositions environnementales pour devenir le RNV3PE : quels sont les défis posés par cette évolution ? 

Un décret de 2019 a adjoint un volet environnemental au périmètre d’expertise des CCPP (désormais CCPPE) et instauré pour chaque région la nomination d’un Centre régional de pathologies professionnelles et environnementales (CRPPE) (éventuellement composé de plusieurs unités au sein de la région). Pour tenir compte de cette évolution, le réseau s’est transformé en réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles et environnementales en janvier 2024, avec de nouveaux enjeux. 

Il faut tout d’abord déterminer quels types d’affections environnementales doivent être enregistrées par les CRPPE et définir les règles de codage des expositions environnementales pour pouvoir exploiter ces données de manière robuste. Par ailleurs, faire évoluer le système d’information est indispensable afin qu’il soit en mesure d’absorber toutes ces nouvelles données. C’est l’outil de travail de l’ensemble du réseau, dont le périmètre d’action dépasse dorénavant le champ de la santé-travail pour inclure pleinement la santé-environnement.